CT Masse du 19 janvier 2021 à Marseille : lettre ouverte au président

Monsieur le Président,

Nous, élus en CTM , réunis en intersyndicale, à l’exception de la CFDT, avons pris la décision de ne pas siéger aujourd’hui à cette instance reconvoquée, non pas que nous nous désintéressons de la thématique de nos cités douanières, nous y sommes très attachés autant qu’à nos missions et nous n’avons de cesse de défendre ce patrimoine mais, aujourd’hui, comment pourrions-nous venir parler sereinement de l’avenir de nos cités douanières alors que c’est l’avenir de notre administration tout entière qui est aujourd’hui menacé ?

Depuis plus de dix ans, nous vivons au rythme des suppressions d'emplois, des disparitions de brigades, de bureaux et des implantations douanières démembrées. La liste des transferts et/ou abandons est longue avec la TGAP , le DAFN, la TSVR, la TVAI, la TICC, TICGN et autre TICFE. Ce démantèlement de notre administration, avec son cortège sinistre de restructurations déjà douloureuses , n’était sans doute pas suffisant aux yeux de notre directrice générale qui s’en est pris cette fois à la TICPE (transfert vers la Direction Générale des Finances Publiques) . Il s’agit du transfert de la plus importante des perceptions confiée à la douane en termes de recettes budgétaires de l’État (34 milliards d’euros selon les chiffres 2018 et 2019) et c’est un coup terrible qui est asséné à notre administration.

Par ce funeste dessein, notre directrice générale est allée bien au-delà des préconisations du rapport Gardette dont le transfert de la TICPE était pourtant exclu, préférant en laisser la perception à la Douane. Le rapport de la Cour des Comptes quant à lui ne préconise surtout pas ce transfert qui
acterait de fait la perte du caractère fiscal de l’administration des douanes.

Alors, pourquoi mettre en danger et démanteler un dispositif régalien qui a fait ses preuves et qui fonctionne ?
Où est l’intérêt de tout remettre en cause quand on sait que la seule TICPE rapporte 33 milliards d’euros, dont 17 milliards pour le compte de l'État, que son coût est de 0,39 centime d’euro pour 100 euros recouvrés (le plus bas de l'OCDE) ?
Quelle logique à déstructurer des services douaniers quand on sait que ses agents assurent la traçabilité, le contrôle à la fois physique et documentaire des stocks des produits soumis au paiement de cette taxe, qu’ils assurent un service de proximité aux entreprises tout en fiabilisant les
recettes de l'État ?

Pourquoi sacrifier autant de savoir-faire et de bons résultats alors que de son côté la DGFIP, direction très durement frappée aussi par les restructurations et les suppressions d’emplois, prévoit uniquement de développer le recours à l'auto-contrôle des entreprises ?
Compte-tenu des enjeux fiscaux, c’est le niveau de la fraude fiscale, déjà élevé, qui risque de s’accroître encore davantage.

La technicité de la matière et ses complexités réglementaires ont été patiemment maîtrisées par les services douaniers depuis des années au prix d’efforts remarquables. Nulle autre administration que la douane n’est autant capable de conduire des contrôles sur ces fiscalités avec de tels résultats !
Comment peut-on oublier que la douane fournit un service de proximité efficace, tant en matière de contrôle que de conseil essentiel, notamment aux entreprises qui souhaitent maintenir leur place dans le marché européen ?

À l'heure où le gouvernement doit creuser le déficit budgétaire pour amortir les effets de la crise sanitaire sur l'économie, le recouvrement optimal des recettes s’avère plus que jamais indispensable. En conséquence, il n’est pas opportun dans cette période de déséquilibrer un dispositif de recouvrement efficace.

À terme, la dimension fiscale de ces réformes s'accompagnera d'une dimension sociale car si ce projet de transferts vient à se concrétiser, il frappera près de 700 agents. Cette réforme participe d'un démantèlement progressif de l'administration des douanes qui, de restructuration en restructuration, est en train de se réduire à une coquille vide. La pandémie a révélé la nécessité stratégique pour la France de retrouver la maîtrise de sa production industrielle, notamment par la relocalisation des activités. Elle révèle également l’état passablement dégradé de notre système de santé, durement éprouvé par des années de rigueur budgétaire. Dans ce contexte les transferts de taxes envisagés ne font que porter une nouvelle atteinte à l'efficacité du service au détriment de l'intérêt général.

Alors que l’administration maintient son calendrier de réformes en dépit du dialogue social tronqué et étouffé par la crise sanitaire, nous, élus et représentants des personnels de l’Interrégion de Méditerranée, nous vous remettons cette déclaration solennelle et grave. Nous nous adressons à
vous en tant que président de la CTM et en tant que directeur interrégional des douanes de Méditerranée, pour vous faire part de notre profonde inquiétude, de notre colère et de notre incompréhension face à cette réforme inacceptable qui constitue un désaveu total pour les agents de l’État que nous sommes.

À Marseille, le 19 janvier 2021,
Les élus de l’Intersyndicale